• Pensées filantes

    Suis-je encore moi-même ? Je n'arrive plus à savoir depuis combien de temps je n'ai pas eu de petites pilules à prendre chaque matin, chaque soir. La pilule... C'est là que tout a commencé. Cette petite chose qu'il faut prendre une fois par jour. Ce truc bourré d'hormones ne serait-ce pas la première chose qui aurait commencé à me modifier.

    15 ans. 15 ans et déjà je prends l'habitude de gober chaque matin des petits cachets. Et puis l'adolescence, le stress, les hormones, le changement, le début ignoré de la maladie.

    L'impulsivité a toujours fait partie de moi. C'est un penchant naturel pour moi. J'aime ça. Il et inutile de le nier, j'aime décider au dernier moment que je vais sortir faire la fête, que je vais faire quelque chose qui sera extra ordinaire. C'est grisant et drôle. Surtout drôle puisque je vois des gens, je ris avec eux, je me saoule. Je ris plus fort que tout le monde et je danse.

    Et pendant ce temps j'oublie tout.

    Pensées filantes

    ©Nicole Tran Ba Vang

    Les soirées, les mecs, les amis... Pourquoi sont-ils restés ? Je les ai poignardé un par un. Et certains résistent. Pourquoi ? Alors, on tape dessus. Plus fort. Encore plus fort. Et on se calme brusquement sans raison. Alors l'impulsivité fait place à l'apathie. Voilà mon adolescence avec en plus cette haine de toutes formes d'autorités.

    Et après le bac, la fac. C'est grand, c'est libre et on a l'impression de lier des amitiés solides, de construire de nouvelles choses... Qui s'effondre. Non, que l'on fait s'effondrer. Que j'ai fait s'effondrer. Alors, j'ai hurlé. Premier état mixte. Celui qui nous fait croire que ça va alors qu'on est parti complètement en couille. On brise tout et on jongle entre dépression et hypomanie.

    Et comme souvent on se stabilise à force d'épuisement. Alors on reprend. Et puis un premier médecin et le début de l'auto-médication. Vous le connaissez ce réflexe, celui qui consiste à penser qu'on s'en sort mieux seul... Mais on plonge. Alors on prends des anti-dépresseurs et on repart dans la manie. Et on aime ça.

    La sensation de puissance d'être la plus forte au monde et les pensées qui fusent plus vite que tout. De plus en plus vite, de plus en plus vite, et on hurle parce que ça fait mal. Dieu ! Qu'est ce que ça fait mal. Et on hurle toujours, intérieurement, on se shoote avec ce que l'on trouve. L'alcool, le tabac, le sang, la douleur, l'écriture, la peinture, la scène...

    Tout devient drogue.

    Et l'on continue en se posant cette éternelle question : Suis-je toujours moi ? Qu'est la maladie ? Qui suis-je ? Et ces pensées qui nous donne envie de nous frapper la tête contre le mur. Insomnie, hypersomnie, insomnie, hypersomnie, insomnie, hypersomnie, insomnie, hypersomnie, insomnie, hypersomnie, insomnie... Aaaaah !

    On baise, on boit, on fume et ces pensées qui tournent en boucle. Les nuits sans sommeil qui nous chuchotent lentement à l'oreille à quel point nous sommes nulles, abruties et désespérées. Et nos doigts mordus jusqu'au sang pour nous éviter de hurler...


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